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Maison de Lorraine
15 avril 2020

Portrait de Philippe de Bayon sur la fresque de la cathédrale de Saint-Dié (vers 1341)

Fondée par l'évêque éponyme au VIIe siècle, l'église de Saint-Dié devint un des plus prestigieux chapitre noble de Lorraine. Ses grands prévôts, dont l'autorité s'étendait à plusieurs lieues autour de la ville, avaient droits aux ornements épiscopaux et jouissaient de nombreux privilèges. Les ducs de Lorraine, quant à eux, étaient les avoués de la collégiale. Certains tentèrent d'abuser de cette position pour contrôler le chapitre et les terres sous son autorité. Sous le règne du duc Raoul, un conflit éclata sous le nom d'Affaire des sceaux. Le prince tenta d'imposer un sceau à ses armes pour les actes notariés de Saint-Dié. Le prévôt Philippe de Bayon se montra intransigeant face à ce nouvel abus de pouvoir et Raoul dut  reculer à l'issue de négociations qui durèrent jusqu'en 1341. 

C'est vers cette époque que fut réalisée dans le choeur de la collégiale une peinture murale célébrant l'indépendance du chapitre. Il se compose de deux scènes.

  • La première, à droite, montre Saint Dié, fondateur de l'église au VIIe siècle, recevant de l'empereur un anneau d'or. Cer personnage, trônant en majesté, est symbolique car le trône impérial était alors vacant depuis la mort d'Henri VII en 1313. Aussi sont représentés derrière lui les deux rivaux Louis de Bavière, alors Roi des Romains, et Jean de Luxembourg, roi de Bohème. Il y a bien-sûr là un anachronisme puisqu'à l'époque de Saint-Dié, le pouvoir politique était tenu par Childéric II d'Austrasie. Les empereurs germaniques sont donc considérés comme les successeurs du roi mérovingien, protecteurs du chapitre de Saint-Dié et garants de ses privilèges.
  • La seconde, à gauche, montre le duc Raoul investit de l'avouerie. Recevant du Roi des Romains le gant symbolisant sa charge, il prête serment sur les saintes écritures qui lui présente le prévôt.

Cette peinture, si importante pour l'histoire de Saint-Dié-des-Vosges et de la Lorraine, fut malheureusement détruite par les Allemands durant la Seconde guerre mondiale. Elle fut restituée dans le cadre de la reconstruction de la cathédrale.

 

Fresque de l'Investiture (cliché dp.catho.ahennezel.info)

 

Portrait de Philippe de Bayon

Le grand prévôt est représenté à une échelle inférieure à celles des autres personnages. Faisant face au duc Raoul, il lui tend la Bible sur laquelle celui-ci doit prêter serment. Lointain successeur de Saint Dié, Philippe de Bayon est vêtu d'une aube et d'une chasuble sur laquelle pend un pallium. Cet ornement, dont le port est ici abusif, fait écho à celui du fondateur. Portant la barbe, le responsable du chapitre est coiffé d'une mitre jaune et bleue et tient un bâton prévotal dont l'extrémité est incertaine. Sur ses sceaux, Philippe utilisait tantôt la crosse, tantôt une verge surmontée d'un aigle. 

Contrairement à l'empereur, le duc et le prévôt ne sont pas nommés dans l'inscription accompagnant la fresque. Ce point, ainsi que l'anachronisme de la première scène, donne un côté intemporel aux cérémonies représentées. Les ducs de Lorraine doivent protection et respect au chapitre de Saint-Dié représenté par son prévôt. Le pouvoir impérial est le garant des droits et obligations de chacun. 

 

- COLLIN, Hubert, 1988, Lotharingia I, Nancy, p. 14.

- POULL, Georges, 1991, La Maison ducale de Lorraine, Nancy, p. 109-110.

- SAVE, Gaston, 1901, "La fresque de Maheu de Lorraine découverte à la cathédrale de Saint-Dié", La Lorraine artiste 14,  p. 251-255. [avance, sur une lecture erronée de l'inscription, que le duc serait Simon II et le prévôt Mathieu de Lorraine]

Merci à Benoît Larger pour ses conseils.

 

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