Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Maison de Lorraine
25 janvier 2020

Statue du monument de Charles V (vers 1700)

Carte postale montrant le monument de Charles V avant 1936 (cliché pboyer.fr)

En 2020, Nancy s'apprête à accueillir une statue du duc Charles V qui a fait couler beaucoup d'encre ces dernières années. Il s'agit d'une statue en pied de 1m81 en pierre de Savonnières. Réalisée vers 1700, cette sculpture s'inscrivait dans le cadre de la célébration posthume de Charles V par son fils Léopold. Son emplacement originel n'est pas connu. Toujours est-il que dans les années 1840, elle était en possession d'un marbrier meusien. Dans le but d'élever dans l'église des Cordeliers un monument à la gloire de Charles V, un comité dirigé par M Noël l'acheta pour 200 francs. Placée dans la nef, la statue fut surmontée d'un médaillon sommé d'une croix de Lorraine et flanqué des drapeaux de Lorraine et de Bar. 

Lors du réaménagement de l'église en 1936, le monument de Charles V fut retiré. L'époque portait alors un jugement peu flatteur envers ces mémoriaux du XIXe siècle dont la valeur artistique était jugée médiocre. Ajoutons que l'origine de la statue n'était pas connue. Quoi qu'il en soit, la statue disparut à cette époque et il ne resta que le médaillon à la croix de Lorraine. La statue ne refit surface qu'en 2005 chez un antiquaire parisien. Elle était alors identifiée comme un portrait de Louis XIV. De plus, des éléments comme le bras droit ou le pommeau de l'épée avaient été brisés pour empêcher toute identification. En 2013, Charles Gaffiot fit le lien entre la statue mise en vente à Paris et celle retirée des Cordeliers 77 ans plus tôt. Après un instant de scepticisme, la municipalité nancéienne entama des démarches pour recouvrer son bien. En 2016, une analyse confirma l'identité de la statue ce qui permit de lancer l'année suivante une procédure juridique. Finalement, l'antiquaire parisien accepta de restituer l'oeuvre sans contrepartie. La statue devrait retourner à Nancy en février 2020. Viendra alors le temps de la restauration avant de la rendre publique. On peut aussi supposer qu'elle fera l'objet d'un article dans un prochain numéro du Pays Lorrain.

 

La statue en 2013 (cliché maison de lorraine.org)   Le médaillon conservé au Musée lorrain (cliché personnel ; 2017)

 

Portrait de Charles V

La statue montre le duc debout, tenant de sa main droite un bâton de commandement. Il est vêtu en imperator avec une cuirasse antique et un manteau rejeté sur les épaules. A ses pieds se trouve son casque dont le cimier arbore un panache. Charles V porte une ample perruque typique du Grand Siècle et qui tranche sur cette composition romanisante. Si le visage reprend effectivement les traits du prince, on notera l'absence de toute emblématique. En effet, la cuirasse ne porte ni croix, ni alérion et l'artiste n'a pas non plus jugé opportun de représenter la Toison d'or. Peut-être le bâton de commandement était-il semé d'emblèmes dynastiques mais nous ne pouvons le vérifier.

 

Statue de Louis XIV par Martin Desjardins (cliché photo.rmn.fr)

Un modèle français

Si le nom du sculpteur est inconnu, nous savons quelle fut sa source d'inspiration. Il est en effet flagrant qu'il a pris pour modèle la statue de Louis XIV  réalisée par Martin Desjardins vers 1680. Destinée originellement à la place des Victoires à Paris, cette sculpture en marbre de 3m60 avait finalement été placée dans l'Orangerie du château de Versailles. Décapitée à la Révolution, elle fut restaurée au XIXe siècle. La similitude entre les statues de Louis XIV et Charles V est évidente. La principale modification fut de substituer les traits du duc de Lorraine à ceux du roi. Si l'utilisation d'un tel modèle est un élément de plus documentant l'influence culturelle française sur les duchés à l'époque de Léopold, on ne manquera pas de relever l'ironie de voir l'adversaire du Roi Soleil représenté dans une composition semblable. D'autre part, la similitude entre les deux statues et l'absence d'emblématique lorraine explique aisément que la statue de Nancy ait pu être mise en vente sous une fausse identité.

 

- Articles de l'Est Républicain du 13 sept. 2013, du 26 sept. 2013, du 24 oct. 2019 et du 18 janv. 2020.

- Article de France 3 Lorraine du 21 janv. 2020

- SABATIER, Gérard, 1999, Versailles ou la figure du roi, Paris, p. 66.

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Visiteurs
Depuis la création 47 035
Publicité
Publicité